3 questions à… Philippe Huppé

Les métiers d’art sont un secteur clé pour le tourisme de savoir-faire. En 2022, les visites proposées ont séduit plus de 4 millions de visiteurs, selon les données du dernier observatoire Entreprise et Découverte.
Rencontre avec Philippe Huppé, un homme engagé en faveur de la défense et la valorisation des métiers d’art.

Bonjour Philippe Huppé ! Vous êtes l’auteur de 2 rapports parlementaires sur les métiers d’art, et vous venez d’être nommé référent sur les Indications géographiques au ministère de la Culture. Pouvez-vous revenir sur votre parcours, et votre engagement en faveur des métiers d’art ?

Mon parcours est simplissime, c’est celui d’un homme qui ne connaît rien aux métiers d’art et qui peu à peu les découvre, renonce à ses a priori et finit par les chérir !

Depuis une vingtaine d’années, je travaille comme élu pour défendre, promouvoir et adapter aux nécessités du temps les 281 activités qui forment les Métiers d’Art en France. D’abord maire, puis vice-président de ma communauté d’agglomération, délégué aux métiers d’art, Président de l’association nationale Ville et Métiers d’art et enfin député ayant rédigé deux rapports sur ce secteur, j’ai sillonné la France entière. A chaque voyage, j’ai rencontré les acteurs locaux (artisans, chefs d’entreprise, présidents des CMA, maires etc.) et recueilli leurs expériences et avis. A chaque rencontre, j’ai pu approfondir mes connaissances et abolir mes certitudes.

Cette approche territoriale m’a permis de me forger une conviction, parfois iconoclaste, sur les attentes des métiers d’art et d’excellence et surtout sur leur fabuleux apport à la société française. Cette volonté de partir de la base m’a guidé dans l’élaboration des propositions qui se trouvent dans mes deux rapports parlementaires. Depuis 2022, je continue ma quête en faveur des métiers d’art et, avec Ville et Métiers d’Art, j’ai lancé une revue semestrielle de réflexion, Les Cahiers de Ville et Métiers d’Art, portant sur les métiers d’art.

L’excellence des savoir-faire était à l’honneur cette fin d’année 2023, avec l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco des gestes verriers, et les savoir-faire de la ganterie en pays de Millau qui font leur entrée sur la liste du Patrimoine Culturel Immatériel français. Quel rôle joue ces métiers d’art pour le développement des territoires ?

Ces métiers d’art particuliers mais aussi bien d’autres, jouent un rôle fondamental dans le renouveau économique des métiers d’art dans les territoires. Comment imaginer Biot sans ses verriers ou l’Aveyron sans Millau et sa ganterie ? Le CERFAV dans l’Est, et le Lycée Jean Monnet avec son CAP des Arts du verre et du cristal à Moulins Yzeure forment les nouveaux artisans d’art de la France entière. Ces deux centres animent des territoires, forment les futurs verriers et permettent à la France de garder un savoir-faire reconnu, tout en l’enrichissant par de nouvelles approches. La ganterie millavoise a traversé un long désert, et grâce une poignée de passionnés se relance et avec elle toute une économie locale tournée autour du cuir. Toute une filière reprend courage et se relance à la conquête des marchés tant nationaux qu’internationaux.
Au-delà, les multiples ateliers d’artisans d’art qui irriguent nos villages, vallées ou encore préfectures maintiennent des savoir-faire vivants, proposent un avenir aux métiers de la main et surtout redonnent du sens au travail et au-delà, de la vie dans nos collectivités.

©Site verrrier de Meisenthal – La Rochère /Paula G. Vidal. – Verrerie de Biot

L’artisanat et les métiers d’art sont une filière majeure aujourd’hui pour le tourisme de savoir-faire. Découverte de métiers rares d’exception, enjeux de transmission, communication … les objectifs sont multiples pour les entreprises comme les visiteurs. En quoi le tourisme de savoir-faire vous paraît-il efficace pour la valorisation de ce secteur ?

Visite musée, famille

Le tourisme de savoir-faire est primordial comme je l’ai écrit dans mes deux rapports parlementaires. D’abord, il fait une proposition originale pour aborder les territoires et leur histoire. Ce secteur du tourisme permet de découvrir des hommes et des femmes passionnés, maîtrisant un savoir-faire d’exception mais souvent ignorés, invisibles. Aller à leur rencontre, c’est leur rendre hommage pour tout le travail qu’ils font et l’espoir qu’ils offrent. Partir à leur découverte, c’est aussi s’imprégner d’un style de vie qui leur est propre : la maîtrise du geste patiemment appris, l’éloge de la lenteur nécessaire au bel objet, l’amour du travail bien fait et l’humanité qui anime leur créativité. Mais c’est aussi la dureté des conditions de travail, l’usure des corps et des mains, l’acceptation de l’effort et une certaine abnégation au profit de la liberté créative.

Mais aussi, le tourisme de savoir-faire soutient de plusieurs façons les entreprises qui ouvrent leurs portes. Economiquement, cela leur permet de se faire connaître et même d’augmenter leur chiffre d’affaire grâce aux boutiques installées à la sortie de la visite. Leur découverte permet aussi de susciter parfois des vocations. Enfin, ces visites touristiques soutiennent ces entreprises de métiers d’art en faisant découvrir l’esprit d’entreprise auprès d’un large public. Ainsi, tout un chacun peut s’apercevoir des contraintes entrepreneuriales et des liens forts qui unissent tous les personnes qui travaillent dans la manufacture.

©Monnaie de Paris

> Consultez les résultats de l’observatoire Artisanat et Métiers d’Art ici

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