3 questions à Marc Bayard, le Mobilier national

Dans un contexte où l’on s’interroge sur la viabilité de nos modes de consommation et de production, rencontre avec Marc Bayard, chef de la mission « Développement scientifique et culturel » au Mobilier national. Il nous présente son ouvrage « #Slow-Made : Manifeste du geste humain », publié au mois de septembre.

Bonjour Marc ! Vous êtes chef de la mission « Développement scientifique et culturel » au Mobilier national. Pouvez-vous nous présenter votre parcours, et votre engagement en faveur des métiers d’art ?

On peut dire que mon itinéraire a été une recherche avec le temps… après un master de droit public, j’ai entamé un parcours de recherche en histoire de l’art avec une thèse de doctorat en histoire de l’art qui portait sur le décor de théâtre au XVIIe siècle. Déjà un intérêt pour l’espace et la question du décoratif.

Ce cheminement, qui s’est fait en même temps que de multiples expériences dans le champ culturel, m’a amené naturellement vers l’Italie avec plusieurs bourses de recherche à Venise et à Rome. J’ai pu ainsi intégrer la Villa Médicis en tant que pensionnaire puis directeur des études en histoire de l’art. Mon séjour à Rome pendant six ans et demi a été particulièrement marquant, notamment dans la découverte du savoir-vivre italien, et en particulier dans les métiers d’art.

A la Villa Médicis j’ai eu la chance de travailler avec Frédéric Mitterrand qui m’a fait venir au cabinet du ministère quand il est devenu ministre de la Culture. Il a été particulièrement attentif à la question des métiers d’art et s’est intéressé à des sujets transversaux comme la gastronomie, l’art des parfums et bien entendu les métiers d’art.

Mais ma vraie découverte de ces créateurs et créations s’est faite en intégrant le Mobilier national, magnifique institution qui pose de manière très prégnante la question du temps.

Vous êtes à l’origine du mouvement Slow Made, qui fête cette année ses 10 ans. Vous venez également de publier l’ouvrage « #Slow-Made, manifeste du geste humain » (éd. Les Influences). Pouvez-vous nous en dire plus sur ce mouvement, et les valeurs que vous portez à travers celui-ci ?

Avec la société de consommation et la globalisation frénétique, nous avons oublié que le temps était une richesse, particulièrement inépuisable pour les sociétés fondées sur des mémoires ancestrales. Le Slow Made, il y a 10 ans, portait un regard nouveau sur la question du temps. Il n’est néanmoins pas question d’une valorisation de la lenteur mais la reconnaissance du « fait avec le temps nécessaire ». Ainsi, dans cette approche éthique de la production, le mouvement a identifié, de manière transversale, les métiers d’art du sur soi (la personne), du chez soi (le domicile) et du autour de soi (l’environnement urbain et les mobilités). L’en-soi (la gastronomie) est également un champ d’application.

Cependant, au-delà, c’est la manière de repenser le monde que porte ce mouvement : sortir de l’obsolescence pour inventer et créer la pérennité programmée. Le temps long des métiers et la connaissance des matériaux sont l’occasion d’intégrer l’idée d’une innovation au service du durable. Le design et les métiers d’art sont au cœur d’un éco-système où la pensée et le geste, la conception et la réalisation sont combinés grâce au temps et pour la durée. Le développement durable devient ainsi une alchimie de facteurs où l’humain, dans sa double dimension, est totalement assumé.

Vous êtes également très sensible au développement du tourisme de savoir-faire, en tant que partenaire d’Entreprise et Découverte. Quelles sont les convergences entre ces 2 activités, en quoi le tourisme de savoir-faire peut-il servir les valeurs portées par le mouvement Slow Made ?

Le mouvement Slow est né en Italie en 1986, et depuis plusieurs années certaines régions italiennes ont développé le Slow Tourisme : découvrir une région en mettant en synergie différents pôles gastronomiques, culturels et artistiques, métiers d‘art…. La Toscane a été un des initiateurs du mouvement. Ainsi, sur l’Autoroute A1 entre Rome et Florence, à une aire d’autoroute, un plan de la région met en avant les différents sites de visites développant une expérience des savoir-faire. Aujourd’hui les applications numériques peuvent parfaitement relayer ces cheminements dans un territoire.

Le tourisme durable a tout à gagner en mettant en avant des pôles d’itinéraire : l’expérience transversale de visite et l’immersion dans la temporalité de réalisation sont autant de facteurs de valorisation des produits mais aussi des personnes travaillant sur ces sites de production.

Enfin, de façon plus large, la mise en avant du temps est un vecteur culturel et civilisationnel, qui fait des territoires une interaction entre nature et culture, entre patrimoine, création et valeur humaine. On accentue ainsi un usage actif dans la visite d’un processus de production. Finalement, l’initiation et la découverte du faire, et souvent des processus longs, est la meilleure pédagogie possible pour comprendre le consommable et le durable

Ainsi, les applications du Slow Made se veulent révolutionnaires : le futur n’est pas une cassure, c’est une réinterprétation du passé dans les problématiques du présent. La durée est un gisement inépuisable dans lequel la création et les savoir-faire peuvent développer toute leur richesse.

Vous procurer l’ouvrage « #Slow-Made, manifeste du geste humain » :  www.lesinfluences.fr ou contact@lesinfluences.fr

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