3 questions à… 3 ambassadrices du savoir-faire français

Portraits croisés de 3 femmes d’exception à la tête de 3 entreprises d’excellence françaises…

Laure Pierrisnard, dirigeante de la Confiserie du Roy René, symbole provençal, spécialiste de confiseries artisanales depuis plus de 100 ans; Sylvie Denoix, dirigeante de la Distillerie Denoix, fondée en 1839, dont les procédés de fabrication sont restées inchangés depuis le XIXème siècle; et Fabienne Picard, dirigeante de la Confiserie des Hautes Vosges, l’entreprise agro-alimentaire la plus visitée de France !

Pouvez-vous revenir sur votre parcours ? Comment êtes-vous arrivée à la tête de votre entreprise ? 

LAURE PIERRISNARD : Je suis née à Manosque, en Haute Provence. Après une préparation aux grandes écoles de commerce, j’ai intégré l’EDHEC qui m’a ouvert la voie vers les métiers du commerce et du marketing. Après quelques années à Paris et en Italie, j’ai eu la chance de rejoindre L’Occitane en Provence et de réaliser mon rêve de jeune fille. J’y ai travaillé presque 15 ans et j’y ai développé des liens forts avec Olivier Baussan, son fondateur. Lorsqu’il a repris la Confiserie du Roy René, il m’a proposé d’en prendre la direction et le challenge m’a tout de suite séduite. Le projet était tout à fait cohérent avec celui que j’avais entrepris à L’Occitane, avec cette même vision de mettre à l’honneur les richesses de notre patrimoine provençalun savoir-faire local en lien avec les filières agricoles et de faire rayonner l’entreprise et ses produits à l’échelle nationale et internationale.

FABIENNE PICARD:  J’ai grandi dans l’entreprise. J’ai toujours vu mon père, son frère et sa sœur travailler pour la confiserie, la développer et la faire progresser. Dès mes 14 ans, je suis venue aider mon père dans la gestion de l’entreprise. J’ai été prise de passion pour cette mission, ça m’a tout de suite animée. J’ai su très jeune que je voulais reprendre les rênes de la confiserie. Ainsi, j’ai passé mon Brevet de Technicien Supérieur (BTS) d’assistante de direction. Pendant que mon père se chargeait de la comptabilité, je travaillais sur la partie administrative de l’entreprise. Peu à peu, l’entreprise grandissant, j’ai décidé de reprendre mes études pour faire une maîtrise en gestion par crainte de ne pas être à la hauteur du challenge. Ce n’est pas parce que je suis la fille du patron que j’ai toutes les compétences en main, j’ai toujours mis un point d’honneur à être formée.

SYLVIE DENOIX : J’ai vécu au-dessus de la distillerie, dans la maison familiale, durant toute mon enfance mais, au départ, je n’envisageais pas ce parcours-là. Je me destinais à d’autres horizons et me suis orientée vers le métier d’infirmière. Quand mon père a commencé à se poser la question de la transmission de l’entreprise, il a d’abord contacté mon mari. A cette époque, il était fonctionnaire et il a pu obtenir une disponibilité pour travailler avec lui. Au décès de mon père, nous avons décidé de reprendre l’entreprise. Pour moi qui avait toujours vécu dans la maison familiale, c’était une évidence. Nous avions à peine 30 ans et on s’est lancé. Au début, nous nous sommes posés beaucoup de questions : fallait-il faire grossir l’entreprise ou continuer à travailler comme au XIXème siècle ? Mais mon père disait qu’il fallait rester artisan et qu’avec le temps, le métier prendrait de la valeur. Heureusement, l’équipe formée par mon père est restée à nos côtés et nous avons pu continuer grâce à eux. Pourtant, à l’époque, ce n’était pas à la mode de travailler comme ça, mais nous avons fait confiance à notre histoire et notre savoir-faire.

Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre métier ?

FABIENNE PICARD : Le marketing et le packaging me tiennent beaucoup à cœur. Par exemple, j’ai développé les boîtes de poches avec un dessinateur. Mon idée a toujours été de développer l’entreprise familiale, et de se tenir au courant des évolutions car le numérique était nécessaire. C’est un support exceptionnel qui nous aide à franchir toutes frontières. Il faut suivre les évolutions de notre époque, être curieux de notre monde en mouvement. Je souhaite promouvoir l’artisanat, mais ce n’est pas parce que l’on est artisan que l’on ne doit pas être dans le mouvement. Ce qui me tient également à cœur, ce sont les dynamiques collectives. Par exemple, au salon de l’Agriculture, on discute entre producteurs, on a tous en commun cet amour du métier et du territoire régional, ce qui nous permet de partager et de s’inspirer les uns les autres. Cette volonté de se renouveler continuellement est à mes yeux passionnante. Dernièrement, la crise de la Covid-19 nous a permis de mener à bien de nombreux projets tels que la production de boîtes personnalisées pour l’entreprise Disney ou la création de bonbons sans sucre aux arômes naturels. Cela nous a demandé de nous dépasser en nous plongeant dans de nouveaux projets et j’en suis fière.

SYLVIE DENOIX : La défense des valeurs et du savoir-faire. En défendant des techniques datant du 19ème siècle, on défend un patrimoine du goût rare. Au 19ème siècle, les gens adoraient les liqueurs, c’était un art de vivre à la française. On est nostalgique, à notre époque, de cette période où l’on prenait le temps de vivre et de partager. De part notre savoir-faire liquoriste, nous sommes passionnés par le goût de la nature et ses vertus. Ce sont les moines apothicaires qui ont inventé les liqueurs au 14ème siècle donc il y a une certaine tradition médicinale et naturelle à préserver. De plus, il est important de valoriser un terroir. On travaille les noix de la région, c’est un fruit du terroir, un produit régional unique. Et bien évidemment, il y a mon histoire de famille que je souhaite perpétuer. C’est pour cela que j’ai transmis cette passion à ma fille et mon gendre qui reprennent à leur tour l’entreprise familiale, tout en vivant dans la maison familiale au-dessus de la distillerie bien sûr.

Distillerie Denoix

LAURE PIERRISNARD :

Étant provençale et attachée à ma région, l’important est de porter des valeurs qui me sont proches et de le faire dans une entreprise dynamique ouverte sur le monde. Dans ma précédente carrière, j’étais chargée de l’innovation, du sourcing et de l’approvisionnement des matières premières stratégiques. C’est donc tout naturellement qu’après mon arrivée, en 2015, nous nous sommes attelés à relancer les filières agricoles locales à commencer par l’amande, puis plus tard la pistache. Avec Olivier Baussan, nous souhaitons sélectionner nos ingrédients au plus près de la fabrique. Le plan de relance de l’amande a pu ainsi être initié grâce à la contribution de la Chambre d’Agriculture Régionale et des autres acteurs locaux. Cette relation humaine avec les producteurs locaux est très importante pour moi car notre marque de fabrique c’est la Provence, c’est elle qui nous donne notre richesse. Il y a une réelle envie d’être engagé dans une économie vertueuse. Un autre aspect intéressant de mon travail est la transmission : d’une part en interne entre nos confiseurs, ceux avec plus de 30 ans d’ancienneté et les plus jeunes qui nous ont rejoint, et d’autre part, en externe, auprès des différents publics à travers nos visites d’entreprise.

Votre entreprise ouvre ses portes aux visiteurs. En quoi, la visite d’entreprise est-elle stratégique dans le développement de votre entreprise ?

FABIENNE PICARD : Lorsqu’on n’a pas de visite d’entreprise, l’esprit de partage se perd. Au départ, on a choisi de faire visiter notre confiserie pour montrer que l’on savait fabriquer des bonbons car les gens ne croyaient ni en notre savoir-faire ni à l’intérêt culturel qui y était associé. Mais mon père était visionnaire et a fait le pari d’y croire. Ouvrir ses ateliers, c’est créer un lien avec le visiteur tout en éveillant ses 5 sens. On essaie de lui transmettre notre passion au travers de l’ensemble des étapes de production qui sont toutes centralisées ici par nos équipes. Nos confiseurs et conditionneuses expliquent à nos visiteurs les différentes étapes de la fabrication de nos bonbons. L’entreprise a toujours été soucieuse d’évoluer et de grandir. D’un point de vue physique l’entreprise de 80 m2 en 1986 s’étend aujourd’hui sur 2 000 m2. Cela nous permet d’innover et d’améliorer et de préciser notre offre de parcours de visite qui accueille un grand nombre de personnes. La visite est l’ADN de notre entreprise et nous sommes fiers de partager cet échange avec les visiteurs, c’est une véritable motivation pour notre entreprise.

Confiserie des Hautes Vosges, fabrication des bonbons
La Confiserie des Hautes Vosges

 LAURE PIERRISNARD : Lorsqu’on visite la Provence il y a bien sûr le soleil, les balades dans les villages authentiques, le rosé en terrasse, mais aussi et de plus en plus la volonté d’aller au contact des producteurs locaux afin de comprendre les coulisses de la fabrication des spécialités régionales. Pour Le Roy René, cette démarche de transparence est clé, elle contribue aussi à la notoriété de l’entreprise et de nos confiseries. Le nougat est connu mais le calisson reste une confiserie locale qu’il faut faire rayonner. Une fois que les touristes ont visité le musée, ont été au contact de nos salariés, ont compris la complexité de notre savoir-faire, la sélection rigoureuse de nos ingrédients, ils sont généralement conquis. Ils deviennent naturellement des ambassadeurs de notre maison. Une vraie fidélité s’installe, beaucoup plus qu’à travers une simple commande sur internet ou un achat en boutique. On comprend le travail de l’Homme derrière le produit, c’est rassurant et engageant. Le parcours de visite a été imaginé pour répondre à tous les publics, avec des thématiques de visites variées et des dispositifs interactifs pour faciliter la transmission et l’appropriation de notre patrimoine. Cette innovation autour du digital fait partie des projets qui nous animent. Certes, nous portons un savoir-faire ancestral et traditionnel, mais il faut savoir le revisiter, faire en sorte qu’il vive avec sa modernité.

La Confiserie du Roy René / FXE

SYLVIE DENOIX :  Chez Denoix, nous avons l’habitude de faire visiter et d’échanger avec les visiteurs. Ils sont friands d’histoire et ils ont besoin d’être transportés. Encore plus dans cette période où nous sommes déboussolés. Découvrir des lieux qui ont traversé les siècles et les guerres est rassurant. Les maisons comme les nôtres sont des repères. Quand un artisan parle de son métier avec passion, c’est quelque chose qui fait du bien. Nous sommes fiers de ce que nous faisons et nous avons plaisir à l’expliquer à nos visiteurs, qui à leur tour, sont fiers de l’expliquer à leurs proches. Aussi, pour nous démarquer des produits industriels vendus en grandes surfaces, nous avons besoin de montrer aux consommateurs notre manière de travailler et la visite guidée est le meilleur des moyens. Aujourd’hui, les consommateurs souhaitent s’informer sur les produits qu’ils achètent, ce qui n’existait pas auparavant. Avec la visite, un climat de confiance s’installe. Ma fille et mon gendre souhaitent continuer les visites tout en essayant d’améliorer le parcours de visite. On essaie de trouver des solutions pour continuer à accueillir les visiteurs tout en continuant à travailler, car il ne faut pas l’oublier c’est notre lieu de production. Nous devons rester à la hauteur pour garder la qualité de nos produits et surtout notre esprit de famille

Distillerie Denoix

Plus d’informations ? RDV sur les fiches visites de la Distillerie Denoix, de la Confiserie des Hautes Vosges et de la Confiserie du Roy René !

Commentaires

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Lucile ZOUBTCHENKO - Le 31 mars 2022

Fantastique réussite et surtout, une vision extrêmement moderne de la perpétuation d'un savoir-faire local et de son partage! bravo et j'espère pouvoir bien vite repositionner notre échange pour apprendre de votre expérience!
Lucile Zoubtchenko, La Divine Fromagerie

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Mourot Damian - Le 09 mars 2022

La confiserie des Hautes Vosges est un exemple de réussite...Jean Marie puis Fabienne ont toujours eu l'esprit familiale et surtout le respect des clients ! Mille fois bravo pour votre réussite et bonne continuation, mais là je n'ai aucun doute
Bien amicalement,Damian

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