Portraits croisés de 3 femmes d’exception à la tête de 3 entreprises d’excellence française…

Lore Camillo, dirigeante des Poteries d’Albi, céramistes depuis 6 générations ; Liza Bergara, dirigeante de l’atelier de Makhila Ainciart Bergara, savoir-faire ancestral symbole du Pays Basque ; et Anna Latimier, dirigeante de Haliotika – La Cité de la Pêche, entreprise vous faisant découvrir le monde fascinant des marins pêcheurs du Guilvinec !

Pouvez-vous revenir sur votre parcours ? Comment êtes-vous arrivée à la tête de votre entreprise ?

Lore CAMILLO : Reprendre l’entreprise n’était pas mon souhait premier.  J’ai pu voir mes grands-parents marner, mes parents alimenter les fours la nuit, c’est un métier très prenant et chronophage. Je me suis orientée vers une école de commerce pour ensuite travailler dans la cosmétique, dans des grandes entreprises telles que Pierre Fabre. À la fin des années 1990, mes parents souhaitent ouvrir une nouvelle entreprise, en parallèle de la Poterie d’Albi, davantage tournée vers le design pour faire face à la concurrence espagnole. Grâce à mes études, je les ai accompagnés dans le développement de la stratégie marketing et communication. C’est en 1997 que nous avons ouvert cette seconde entreprise : Clair de Terre. Cependant, la crise financière fut assez brutale et nous avons décidé de faire fusionner : la Poterie d’Albi et Clair de Terre pour créer les Poteries d’Albi. Cette fusion nous a permis de faire se rencontrer nos deux univers. Je me suis pris au jeu de l’entreprenariat et de la gestion d’entreprise. C’est difficile mais il y a une liberté d’action, si on a des idées on peut les mettre en œuvre. C’est une richesse de pouvoir être libre même si ça a un prix.

Liza BERGARA : L’atelier représente toute mon enfance, j’ai grandi à côté. La reprise de l’entreprise familiale semblait plutôt destinée à mon frère et j’avais pour souhait de voyager. J’ai choisi d’intégrer une école de commerce à Reims, durant mon cursus j’ai eu la chance de partir aux Etats-Unis pendant un an. C’était une très belle expérience ! Après l’obtention de mon diplôme, j’ai travaillé pour des grands groupes comme Nestlé, spécialisé en agroalimentaire ou Bic. Ces expériences m’ont permis de prendre conscience de ce qui me plaît ou non en entreprise. Peu après, j’ai pris un virage à 180 degrés en intégrant une start-up en région parisienne. En parallèle, j’ai rejoint l’entreprise familiale pour gérer toute la communication et la présence de l’atelier sur les réseaux sociaux. En 2014, j’ai eu pour projet de reprendre mes études à l’école Boulle via une formation pour adulte en gravure ornementale. Dès 2017, j’ai exercé à l’atelier familial au poste de graveur où je réalisais les initiales sur les pommeaux des makhilas en métal et je répondais aux demandes spéciales des clients (blasons, écussons, dessins d’ornement divers). Après le départ à la retraite de mes parents, en 2019, je suis passée à la tête de l’entreprise.

Anna LATIMIER : Je suis originaire de Lorient, j’ai donc une sensibilité pour le milieu marin et celui de la pêche. J’ai étudié les civilisations et la culture hispaniques à l’université de Lorient. Par la suite, en 2010, j’ai poursuivi en master de gestion des entreprises touristiques à l’université d’Arradon. Mon premier stage s’est déroulé au zoo de Pont-Scorff au service communication. Pour mon second stage, j’ai été prise chez Haliotika que je n’ai plus quittée ! Ce fut une expérience très polyvalente. J’ai commencé à exercer en tant que salariée en CDD puis en CDI. En 2012, la directrice a quitté l’entreprise pour reprendre une agence de communication et j’ai suivi ses pas en prenant la tête de l’entreprise. À seulement 25 ans, c’était un beau challenge à relever mais c’est ce à quoi j’aspirais. J’avais pour souhait de devenir cheffe d’entreprise mais je ne pensais pas que cela arriverait aussi rapidement ! Pour l’anecdote, c’est en travaillant à Haliotika que j’ai retracé le parcours de mon arrière-arrière grand-père qui possédait un bateau et était pêcheur. J’ai eu la chance de pouvoir récupérer un tableau de son bateau. C’est assez émouvant de pouvoir revenir sur les terres de mes ancêtres.

Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre métier ?

Lore CAMILLO : L’humain. Les poteries d’Albi sont une entreprise à taille humaine. Une dizaine de nationalités sont ici représentées. Les artisans s’entraident, échangent et partagent au quotidien. Cette cohésion et la diversité se ressentent dans la création des poteries. J’aspire à laisser plus qu’un produit au client. Il s’agit de transmettre une histoire, une passion et que les gens connaissent les hommes et les femmes derrière les poteries. Cela se fait via les visites de l’entreprise mais aussi avec la mise en place, prochainement, de stages intergénérationnels qui, nous espérons, feront naître des vocations chez les plus jeunes. Le mélange des genres, des cultures et des âges est pour moi une richesse qu’il faut entretenir et valoriser. J’aime l’idée que l’on puisse toujours s’améliorer et que notre savoir-faire évolue tout en gardant ses valeurs premières et son authenticité.

Liza BERGARA : La diversité. Aucune journée ne se ressemble, chacune apporte son lot de défis, de nouveautés et de problèmes à relever. Je me remets tout le temps en question, j’apprends constamment des autres et de moi. Ce que j’aime le plus, c’est de voir le produit se créer entre mes mains. On obtient un résultat concret et en direct contrairement au marketing ou dans la communication. J’ai désappris certains enseignements, vus en école de commerce liés à la rentabilité ou à la productivité, qui ne sont pas en correspondance avec les valeurs du Makhila et de l’héritage que nous préservons, nos 200 ans de savoir-faire. Je souhaite conserver les valeurs transmises par mes prédécesseurs tout en les enrichissant des nouveaux apprentissages que ma génération acquiert. Nous travaillons avec des matériaux nobles et vivants ce qui donne des créations uniques. Il est plaisant de voir la curiosité et l’enthousiasme dans le regard des autres, notamment celui des visiteurs.

Anna LATIMIER : Ce qui me plaît le plus, c’est la gestion de projets. En 10 ans, nous avons investi plus d’un million d’euros au développement et à la valorisation de l’entreprise. Nous refaisons toute la scénographie pour optimiser au mieux la visite. Pour rendre davantage chaleureux l’accueil des visiteurs, nous avons mis en place un bar ainsi qu’une cuisine privatisable. Une vingtaine d’ateliers de cuisine sont proposés chaque année. J’aspire au développement de l’entreprise et à sa professionnalisation afin de traduire au mieux la vie de la criée. Je sollicite et consulte beaucoup les équipes pour mener à bien les meilleurs projets et prises de décisions associées. J’apprends énormément d’eux, les salariés présents depuis longtemps connaissent parfaitement les rouages de l’entreprise, ils sont derrière moi et ne m’ont jamais laissé seule. J’aime et j’ai besoin du contact des pêcheurs et des visiteurs, je ne pourrai pas rester enfermée dans un bureau toute la journée. L’humain est le point central d’Haliotika.

Votre entreprise ouvre ses portes aux visiteurs. En quoi, la visite d’entreprise est-elle stratégique dans le développement de votre entreprise ?

Lore CAMILLO : La visite d’entreprise est l’une des priorités de 2023. Cette année, je vise à développer les stages, la visite de l’atelier et à favoriser les circuits courts. Depuis janvier, nous nous sommes concentrés sur l’organisation des visites et l’accueil du public. Cela a été concluant, nous avons remarqué un réel engouement, puisque les Poteries ont accueilli plus de visites ces deux premiers mois qu’en douze ans ! Lorsque nous avons imaginé la visite, la participation de l’équipe était une évidence. Il était primordial que les artisans s’approprient la visite. Nous avons reçu les premiers retours des visites de groupes organisées en début d’année, tous les visiteurs ont apprécié le contact et les échanges en direct avec les artisans. Au-delà d’une visite, c’est une expérience qui est proposé, un moment authentique et marquant. C’est un moyen de favoriser la vente directe, d’investir dans la poterie, dans les équipements des émailleurs ou encore de réaliser des partenariats avec différents acteurs. J’ai également pour souhait d’inscrire l’entreprise aux grands événements d’ouverture au public pour faire connaître les poteries. Pour la semaine des métiers d’art, nous allons ouvrir du lundi au vendredi pour les visites, passant de deux jours d’ouverture les années précédentes à cinq cette année. L’objectif est de nous familiariser, progressivement, avec l’accueil du public et la gestion des événements.

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© Les Poteries d’Albi

Liza BERGARA : Je ne sais pas si l’on peut parler de développement mais les visites apportent un plus à notre atelier. Elles permettent de valoriser notre culture et notre patrimoine Basque. J’y vois une forme de mission de garder vivantes nos valeurs et notre culture Basque. Ces visites apportent quelque chose au Makhila. Généralement, les visites se clôturent avec des commandes de la part des clients mais notre objectif n’est pas financier. Les visites sont gratuites, notre objectif est de transmettre notre passion. Un espace scénographique est en cours de création pour permettre de comprendre notre histoire et notre savoir-faire. Les visiteurs peuvent rencontrer et échanger avec les artisans ce qui renforce le lien et cette transmission. Ces moments de partage permettent aussi de casser certains préjugés liés au travail manuel et au maniement d’outils par des femmes.

© Makhila Ainciart Bergara

Anna LATIMIER : Rendre l’entreprise accessible aux visiteurs permet de leur faire ouvrir les yeux sur le monde de la pêche. L’objectif ici est de faire découvrir la filière et le métier de pêcheur souvent méconnus du grand public.  La visite de la criée, aussi appelée halle à marée, représente la première place de vente des produits de la mer et ici l’espace de visite le plus important. Les visites valorisent la filière et cassent les préjugés souvent associés. Nous sensibilisons le public en dressant un portrait du métier : d’où vient le poisson et qu’est-ce qui justifie son prix de vente, entre autres. Nous ne faisons pas dans l’utopie, nous cherchons à montrer la réalité le plus justement possible.

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© Haliotika – Cité de la pêche

Plus d’informations ? Découvrez les visites proposées par les Poteries d’Albi, l’atelier de Makhila Ainciart Bergara et Haliotika – La Cité de la Pêche !

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